Et la terre se transmet comme la langue

Franck Tortiller Collectiv ©Laure VILLAIN

Mahmoud Darwich se disait « poète troyen » requis de retrouver la grande épopée de Troie, engloutie avec la cité vaincue.
Cette identité revendiquée occupa, une vie durant, sa quête poétique. Il lui fallait composer, faire ressurgir des flots du temps, l’Odyssée d’une perte et le récit d’un retour au port, le jour où les “Troyens”, les siens cette fois, transformés, riches de la force, de la sagesse et de la capacité du chant, rentreraient au terme de leur long voyage forcé.
“Et la terre comme la langue” est cette Odyssée, le chant retrouvé de ceux qui, dans la perte, acquirent la force des dépassements.
J’ai, à quelques exceptions près, traduit l’intégralité de l’œuvre poétique de Mahmoud Darwich et ce poème a en permanence fait partie de mes préférés.
Préférence difficile tant l’œuvre est riche de véritables diamants, tant elle croise l’intime et l’épique, les chuchotements et les chevauchées, tant elle dit son terreau palestinien et les immensités arabe et universelle.
Place de choix qui, au long de l’accompagnement de Darwich, de notre proximité quotidienne, de l’indéfectible amitié et de l’intense complicité, demeura acquise à ce chant épique.
Etait-ce parce qu’il disait de la façon la plus juste et la plus belle notre, mon, intimité palestinienne, parce qu’il mariait et maitrisait une infinité de modes de chants, parce qu’il plaçait enfin notre terre et notre histoire dans leurs amplitudes à la fois modestes et infinies, parce qu’il exprimait la justesse des propos de l’ami Ritsos qui lui dira un jour à l’issue d’un récital commun à Athènes : Mahmoud, tu es un poète lyrique-épique !
Sans doute et tant de choses encore, audibles à chaque écoute de la voix du poète. Là réside mon espoir de voir cette “Odyssée” récitée et chantée comme il sied à tout poème épique, ma joie aussi quand Franck Tortiller a accepté d’écrire la partition qui accompagnerait celle du poète.

Elias Sanbar

Mahmoud Darwich est plus qu’un écrivain, plus qu’un poète. Sa parole résonne, chante, danse, vit. C’est une musique, les mots sont une mélodie, les phrases des harmonies. J’ai découvert dans le texte «et la terre se transmet comme la langue…» une grande force de narration, une poésie tantôt en rime, tantôt en alexandrin ou simplement en prose. Tout cela donne un rythme, une scansion qui nous emporte. Tout cela est musique. J’ai donc choisi d’écrire une sorte d’oratorio, sans mise en scène, sans décor, qui fera appel à notre imaginaire. Ce texte est un poème épique, il raconte l’exil, le retour… Le rêve naît du rêve… La voix tiendra un rôle central, tantôt chantée, tantôt déclamée, deux voix de femme résonneront comme un contrepoint tout au long de la pièce musicale. Je formerai un ensemble instrumental, composé d’un quatuor à cordes, percussion, trompette, contrebasse et vibraphone.
Il ne s’agit pas ici d’illustrer le texte. À mon sens la musique descriptive n’existe pas, elle doit faire appel à autre chose, à une évocation, à un imaginaire sonore en résonance avec les mots de Mahmoud Darwich. Bien sur, il ne sera pas question ici d’orientalisme, ou de détours par les musiques orientales, mais de trouver une musique qui ne sera pas prisonnière de nos a priori stylistiques, qui saura rassembler par sa diversité de timbres, de dynamiques, de rythmes. Je travaillerai sur un format de mélodies chantées, tantôt de petites formes accompagnées par une ligne de contrebasse, ou de longues suites musicales où le quatuor à cordes donnera toute l’étendue de sa palette sonore ; il sera une passerelle pour naviguer entre musique écrite et improvisation. Ici pas de solistes, mais un orchestre, avec ses contrastes, ses aspérités, où le
lyrisme sera toujours présent. Ici point d’électronique ou d’amplification, mais le désir de composer et de jouer sur le timbre des voix, les harmonies du quatuor à cordes, le timbre des cuivres, la fougue de la section rythmique, en mettant en exergue la force des mots au service de l’idéal de liberté musicale qui est sans cesse à créer.

Franck Tortiller

CRÉATION et COPRODUCTION

Scène Nationale du Havre « Le Volcan »
Novembre 2019

LINE UP

Dominique Devals soprane
Elias Sanbar  récitant

Franck Tortiller vibraphone, composition
Yves Torchinsky contrebasse
Misja Fitzgerald Michel guitare
Patrice Héral percussion
Joël Chausse trompette, bugle
Maxime Berton saxophones, flûte

Concerts

En cours de programmation

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Musiques à Ciel Ouvert
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Franck Tortiller joue sur vibraphones et marimbas YAMAHA
L’ensemble Franck Tortiller est membre de la fédération d’artistes pour la musique en Grands Formats